La tribune d’Arno Klarsfeld sur Jésus jamais publiée par La Croix
Suite à la polémique impliquant le journal La Croix qui s’est livré à une islamisation en règle de Jésus, le présentant en tant que « Palestinien et prophète en islam« , l’avocat Arno Klarsfeld a transmis au Monde Juif .info une tribune sur Jésus écrite en janvier 2022 et adressée au journal La Croix qui ne l’a jamais publiée.
Le christianisme, propagé à l’origine essentiellement par des Juifs et dont la sève est issue de l’ancien testament, a sans doute humanisé les mœurs au fur et à mesure qu’il se substituait au paganisme dans le monde romain mais a causé pendant deux millénaires des souffrances considérables à des dizaines de générations de familles juives en raison de la responsabilité première attribuée à Juda, aux grand prêtres et au peuple juif dans son ensemble dans la mort du Christ alors que la responsabilité du préfet romain, Ponce Pilate, seule source du pouvoir militaire et politique en Judée depuis l’exil en Gaule d’Hérode Archélaos en 6 après Jésus Christ est tant minimisée que le lecteur retient qu’il s’il a prononcé la sentence ce fut sous la menace des Juifs de le dénoncer à Rome comme n’étant pas « un ami de César » au cas où il le libérerait. Pourtant cette responsabilité juive se heurte au mur de la logique et suscite des questions qui ne trouvent pas de réponse dans la théologie chrétienne.
Si Juda a trahi Jésus pourquoi est il écrit dans Cor 1 15 -5 qu’il est apparu aux « douze » sans mention que Juda ait trahi dans aucune épître de Paul. Ce n’est que plusieurs années plus tard lors de l’écriture des Evangiles qu’il sera écrit que Juda a trahi. Pourquoi Juda aurait-il trahi Jésus pour trente modestes pièces d’argent alors que c’est lui qui avait en charge l’argent de la communauté des apôtres et des fidèles de Jésus: sans Jésus, plus de communauté et plus d’argent à gérer, si c’était l’argent qui intéressait Juda. Enfin si Jésus venait tous les jours au temple, comme le disent les Evangiles quelle nécessité avait Juda de le vendre alors qu’il était aisé pour les grands prêtres de s’en saisir.
Comment les grands prêtres peuvent ensuite ils envoyer des gardes de nuit arrêter Jésus à Gethsemani sur le Mont des Oliviers distant quand même de près d’un kilomètre du temple avec une grande pente rocailleuse par endroits à descendre à la lumière des flambeaux alors que Jésus est censé être au milieu de ses fidèles et au sein d’une vaste foule puisque c’est la veille de Pâques et que des milliers de Juifs campent en dehors de la ville pleine à craquer. Opération bien périlleuse puisqu’il est dit partout dans les Evangiles que les grands prêtres craignaient de se saisir de Jésus en raison de son pouvoir d’attraction sur la foule. Peut-être s’y seraient ils résolus de jour mais certainement pas de nuit. En outre en pleine nuit Jésus aurait vu voir venir de loin une troupe de gardes escortée de flambeaux et aurait pu fuir sans difficulté. Si les grands prêtres voulaient à tous prix tuer Jésus ils en avaient la possibilité: en effet si les directives romaines interdisaient aux autorités juives de mettre à mort qui que ce soit, le préfet romain s’en réservant l’exclusivité, les autorités juives pouvaient mettre à mort un Juif en cas de blasphème en le lapidant. Il aurait ainsi été facile aux grands prêtres d’organiser un attentat spontané à l’encontre de Jésus s’ils estimaient que son comportement ou ses sermons étaient blasphématoires. Et on ne voit pas les raisons pour lesquelles vraiment les grands prêtres auraient tant voulu le mettre à mort : fils de dieu, tout le monde l’était selon la Torah. Quant aux miracles, Jésus était un guérisseur et tous les guérisseurs en Palestine étaient des chasseurs de démons, des exorcistes ; ce qui était une grande partie de médecine à cette époque. Quant à chasser les marchands du temple, les vendeurs d’animaux pour les sacrifices et ceux qui changeaient les pièces pour éviter que des pièces avec une effigie humaine ou animale, ne pénètrent plus avant dans le Temple, leur présence sur le parvis des païens (le premier parvis) était déjà un abus de droit puisqu’ils auraient du se tenir à l’extérieur de l’esplanade et nul doute que la plupart des scribes pharisiens devaient partager le point de vue de Jésus. Ce qui amène en conséquence à contredire une autre accusation des grands prêtres à l’encontre de Jésus selon lequel il aurait voulu détruire le Temple. En effet comment peut-il vouloir détruire le Temple et dire aux marchands : « Vous avez fait de la maison de mon père un repère de brigands ». C’est que Jésus considère toujours le Temple comme le lieu où habite l’Eternel.
Une semaine avant sa mort Jésus est entré à Jérusalem comme le messie c’est à dire comme le roi des Juifs était censé y entrer selon les Ecritures, monté sur un ânon avec le foule juive criant « Hosanna » ce qui est proche de « sauve nous! ». Jésus se présentait au peuple comme le Roi des Juifs et donc comme un sauveur et c’est ce qui fut écrit par Ponce Pilate sur le « titulus » au dessus de la croix comme motif de sa crucifixion « le roi des Juifs ». Ponce Pilate était un préfet vigilant, connu historiquement pour sa sévérité et craignant les révoltes et ce fut en raison de la trop grande vigueur avec laquelle il réprima une révolte des Samaritains quelques années plus tard qu’il fut révoqué, renvoyé à Rome et qu’il termina lui aussi sa vie en Gaule. Et s’il y avait dans la troupe des apôtres un Zelote, Simon le Zélote, c’est que sans doute il ne devait pas se sentir trop éloigné idéologiquement des autres apôtres voyant dans la présence de l’autorité romaine et de ses troupes sur la terre d’Israël un blasphème contre les Ecritures.
Pour ce qui est de la sentence de mort infligé à Jésus à contre-coeur selon les Evangiles par Ponce Pilate, on ne trouve aucune trace historique dans tout l’Empire romain d’une coutume selon laquelle le procurateur ou le préfet d’une région de l’Empire pouvait gracier un criminel à la demande du peuple. Et si c’était le cas jamais un officiel romain n’eût gracié un individu comme Barrabas qui avait fait partie d’une émeute au cours de laquelle un soldat romain aurait été assassiné.
Comment enfin la foule juive qui chérit et bénit Jésus tout au long des Evangiles excepté à Nazareth -nul n’est prophète en son pays – et qui l’a accueilli quelques jours plus tôt à Jérusalem comme le Messie et le fils de David, peut-elle vociférer à Ponce Pilate quand il lui demande quoi faire de Jésus « crucifie le et que son sang retombe sur nous ».
Oui Jésus a existé, oui Jésus a été crucifié, oui son message d’amour et de charité chrétienne tiré de la charité juive a changé le monde et l’a amélioré dans son ensemble malgré les buchers, les inquisitions et les conversions forcées mais le mythe responsabilité juive dans sa mort défie la logique et l’histoire et cela doit plus en plus le cas être enseigné avec les Evangiles. Il est vrai que c’est bien complexe de faire coexister deux thèses opposées….
Historiquement il est bien plus probable que Jésus, un juif, n’ayant jamais souhaité quitter la religion juive, a été la victime de la répression politique romaine que d’un complot religieux juif avec l’approbation du peuple de Judée.
La Rédaction Le Monde Juif .info | Photo : DR
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