Crise du coronavirus – Marek Halter craint le pire : violences, recours à l’armée et haine du Juif
Dans une tribune publiée mercredi dans le Midi Libre, l’écrivain Marek Halter alerte sur le péril du confinement notamment dans les banlieues. Sans aide de l’Etat en faveur des plus fragiles, il craint le recours à l’armée et une escalade de la violence. Il dénonce aussi la sélection par rapport à l’âge, faute de moyens suffisants pour prendre tous les malades correctement en charge.
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Comme il avait raison, le pape Jean-Paul II que j’ai tant apprécié quand, face à un million de jeunes catholiques réunis place Saint-Pierre à Rome, le 22 octobre 1978, il poussa ce cri qui résonne encore : « N’ayez pas peur ! »
Car si elle n’obtient pas rapidement de réponses aux raisons qui l’ont fait naître, la peur se propagera plus vite encore que le coronavirus, transformant tout individu en ennemi en puissance. Tout événement imprévu en malédiction. La méfiance s’installera. Et avec elle, la violence.
L’état de guerre s’installera
Dans nos banlieues balayées par notre actualité sanitaire, plusieurs centaines de milliers d’enfants ne vont plus à l’école. Privés de ce cadre malgré tout structurant et privés de cantine, je doute qu’ils puissent supporter d’être confinés des journées durant dans leurs demeures surpeuplées. Que feront-ils alors ?
À moins que l’État ne vienne en aide à ces « sinistrés », ils resteront dans la rue. Des bandes se formeront qui ne tarderont pas à s’attaquer aux grandes surfaces — déjà dévalisées dans tous nos quartiers par nos concitoyens — et parce que nous ne pouvons nous armer pour nous défendre comme aux États-Unis, on enverra contre eux la police, puis l’armée. L’état de guerre s’installera et on cherchera un bouc émissaire, comme à l’époque de la peste décrite magistralement par Jean Delumeau dans « La Peur en Occident ». Le racisme et l’antisémitisme ressurgiront, aussi mortels que l’épidémie.
En attendant, contre le coronavirus, on a besoin de médecins efficaces, capables de s’appuyer sur une aide humaine et technique. Enfin, sur un traitement fiable. Or, les innombrables émissions qui inondent nos chaînes de télévision depuis le début de cette crise sanitaire sans précédent nous expliquent que l’on espère toujours le remède miracle et que, si la main d’œuvre est au rendez-vous, le matériel médical manque cruellement, notamment les lits équipés de respirateurs. Nous sommes même aujourd’hui amenés à envoyer des malades dans d’autres villes de France, dans d’autres pays. Et certains sont renvoyés chez eux.
La sélection de l’âge
Comment se fait la sélection, ce mot terrible qui m’évoque mon enfance ? L’âge. Les EHPAD, par manque de moyens et d’infirmières, se transforment en mouroirs. Et, dans les hôpitaux, on refuse les vieux. Ceux qui ont dépassé les soixante-dix ans. Parce que plus fragiles, donc plus difficiles à soigner. Nos hôpitaux les rejettent parce qu’ils occuperont plus longtemps les rares lits disponibles ! Un choix dont tout le monde semble s’accomoder. Or, selon Hannah Arendt, ce n’est pas tant dans le corps que s’inscrit le mal, mais « dans le vide de la pensée ».
Si, comme toutes les épidémies par le passé, les effets du coronavirus se prolongent, que ferons-nous ? Érigerons-nous des hôpitaux de campagne sur les places publiques ? Et si le mal perdure, quelle autre catégorie de la population sacrifierons-nous ? Quand un bateau coule, on commence par jeter par-dessus bord tout ce qui n’est pas indispensable.
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Une crise est le révélateur du degré d’humanité de l’humanité. Prenons garde : si nous admettons l’inacceptable pour des raisons d’intérêt général, ou poussés par l’urgence, son iniquité marquera irrévocablement le monde d’après la crise.
Il serait bon d’y réfléchir dès à présent.