EXCLUSIF. Amos Gitaï : « Ce n’est pas parce que ce sont des colons qu’on doit pour autant les kidnapper »
A l’occasion de la sortie du film Ana Arabia, rencontre avec son réalisateur israélien Amos Gitaï. Dans Ana Arabia, son dernier film, Yaël, une jeune journaliste enquête sur la vie de Hannah Klibanov, devenue Siam Hassan, une Israélienne convertie à l’Islam. Elle est tout de suite conquise par l’histoire et le quotidien d’une communauté de Juifs et d’Arabes qui vit en paix depuis longtemps dans un quartier situé entre Jaffa et Bat Yam, dans la banlieue sud de Tel-Aviv.
Pourquoi le sujet d’Ana Arabia vous tenait particulièrement à cœur ?
Ce film parle avant tout de coexistence. Je suis très attaché à la coexistence entre Israéliens et Palestiniens, entre Juifs et Musulmans. Il faut qu’on trouve une façon de coexister. Ana Arabia a été réalisé en un plan-séquence de 81 minutes, sans la moindre coupure, comme pour affirmer que la destinée des Juifs et des Arabes sur cette terre ne sera pas séparée. Ils sont liés et doivent trouver des solutions pacifiques pour coexister.
Dans Ana Arabia, les 7 personnages ont chacun leur histoire, lequel vous parle le plus ?
Difficile à dire. Ils me parlent tous chacun à leur manière. C’est comme une palette de couleurs, ils forment un tout. Le chiffre 7 est omniprésent dans mes films : les 7 soldats de Kippour, les 7 juifs ultra-orthodoxes de Kadosh, les 7 embarcations de Kedma…
Vous êtes un réalisateur israélien engagé, vous dénoncez certains travers de la politique d’Israël, de la société israélienne, mais est-ce qu’on voit du côté palestinien des gens dénoncer certains abus comme vous le faîte ?
Il y en a, mais la situation n’est pas la même. Les Palestiniens sont occupés par les Israéliens. Avant de dénoncer les abus de leurs dirigeants ou de la société palestinienne, ils sont en droit de dénoncer ce poison de l’occupation israélienne.
Trois adolescents israéliens ont été kidnappés, certains médias français les qualifient de colons. Qu’en pensez-vous ?
Ce sont des colons. Ils vivent là où ils ne devraient pas vivre. Les colons n’ont rien à faire là-bas. Mais ce n’est pas parce que ce sont des colons qu’on doit pour autant les kidnapper. [Gènes]… Je pensais qu’on devait parler de mon film, je ne comprends pas pourquoi on parle de politique. Répondez-moi !
Vous êtes un réalisateur engagé, vos films interrogent le conflit israélo-palestinien, la politique israélienne, la société israélienne. Il est donc normal que certaines questions soient intrinsèquement liées à la politique.
Vous avez été très optimiste sur le Printemps arabe. C’est un échec total. Le monde arabe est au bord de l’implosion et la paix entre Israël et ses voisins s’éloigne de jour en jour. Croyez-vous toujours en la paix ?
Tôt ou tard, il faudra régler tous ces conflits. Pour moi, la paix n’est pas une équation parfaite. Mais j’y crois. On ne va pas indéfiniment se massacrer. Nous n’avons pas le choix : la paix va s’imposer à tous.
Vous travaillez à la réalisation d’un film sur l’attentat contre le centre culturel juif de Buenos Aires en 1994. Quel message souhaitez-vous faire passer ?
Cet attentat a couté la vie à 84 personnes et fait des centaines de blessés. Le film va porter sur la manière dont l’attaque a affecté la communauté juive locale. Vingt-ans après les faits, elle attend toujours justice pour ses victimes.
Ana Arabia est en salle depuis le 4 juin dernier.
Propos recueillis par Yohann Taïeb – © Le Monde Juif .info
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