Jacob-Farj-Raphaël Jacob, un héros juif indien à l’origine de l’indépendance d’un Etat musulman !
Diplômé d’écoles d’artillerie anglaises et américaines, inspiré par les campagnes menées d’Alexandre Le Grand à Napoléon, le lieutenant général juif indien Jacob-Farj-Raphaël Jacob jouera un rôle décisif durant la guerre indo-pakistanaise de 1971. Son génie de la stratégie militaire mènera non seulement l’Inde à une victoire rapide, mais aussi à la création d’un nouvel Etat indépendant : le Bangladesh.
J.-F.-R. Jacob naît en 1923 à Calcutta dans une famille aisée et pratiquante, descendante de juifs baghdadis qui fuirent l’Irak au 19ème siècle. Son destin d’officier de carrière, il le doit, au départ, au seul fait qu’il ne peut rester indifférent et inactif face au cauchemar que vivent ses frères juifs sous le nazisme. C’est ainsi qu’à 18 ans, en 1941, il décide de s’enrôler dans l’armée indienne alors sous commandement anglais.
Sorti d’une école d’officiers en 1942, Jacob rejoint une brigade d’artillerie, envoyée en Afrique du Nord pour renforcer l’armée britannique contre les troupes du maréchal Rommel. Mais lorsqu’ils arrivent, la bataille est déjà terminée. Sa brigade est alors affectée en Birmanie. Jacob qui n’avait pas encore prévu d’être militaire de carrière dira ; « Je voulais combattre les Allemands, mais finalement j’ai combattu les Japonais pendant trois ans ! ». Toutefois l’armée lui plait et il décide d’y rester.
1947 : Londres accorde son indépendance aux Indes. Avec la partition des ex-colonies britanniques naissent l’Inde et le Pakistan, mais aussi de nombreux conflits territoriaux.
C’est dans cette Inde indépendante mais aussitôt secouée par la guerre que lui déclare le Pakistan pour le Cachemire, disputé jusqu’à ce jour par les deux Etats, que Jacob revient, après avoir intégré des grandes écoles d’artillerie anglaises puis américaines où il se spécialisera dans les missiles et l’artillerie avancée.
Durant la deuxième guerre indo-pakistanaise, en 1965, Jacob commandera une division d’infanterie et d’artillerie. Très vite remarqué pour son habileté tactique, il est promu au grade de général et commandant en chef de la région, le long de la frontière avec le Bengale oriental, une région sensible et minée par une autre crise territoriale. En effet, intégrés par la partition britannique au Pakistan, les Bengalis du Pakistan oriental refuseront la domination du Pakistan occidental.
1971 : l’insurrection bengale éclate, l’Etat du Bangladesh est unilatéralement proclamé. En représailles, l’armée pakistanaise envahit le Pakistan oriental. Les massacres qui s’ensuivent susciteront un exode massif vers l’Inde. La guérilla bengali, soutenue par l’Etat indien d’Indira Gandhi, se réfugie de l’autre côté de la frontière. L’aviation pakistanaise bombarde alors les forces armées indiennes et une guerre ouverte s’ensuit.
Jacob élabore alors un plan d’offensive. Sa stratégie est claire : engager les troupes pakistanaises dans une « guerre de mouvement » afin de faire tomber Dacca, le coeur du Pakistan oriental et future capitale du Bangladesh. Ce plan de trois semaines soulèvera les objections de certains commandants qui finissent pourtant par l’accepter.
Bien leur en prend, après 11 jours de combats, le Pakistan se rend. Le Bangladesh naît et cette victoire établit l’Inde comme superpuissance de la région. Jacob relatera cette bataille dans son livre ; « Reddition à Dacca – Naissance d’une nation ».
Comparé parfois à la guerre des six jours, son plan est encore étudié dans les académies militaires.
Grandement admiré depuis, en Inde et au Bangladesh, il recevra aussi de la part de cette république islamique un prix de reconnaissance en 2012 pour son rôle unique dans la naissance de leur nation.
Après 37 ans d’une illustre carrière, Jacob quitte l’armée en 1978, et se lance dans les affaires tout en restant actif dans le monde politique. En 1998, il est nommé gouverneur de la province de Goa pendant un an, puis de l’Etat du Punjab jusqu’en 2003. Durant ses mandats, il contribuera grandement à l’amélioration sociale et au développement technologique de ces régions.
Jacob sera aussi, plusieurs années, conseiller de sécurité du parti national BJP, qui resserrera les relations diplomatiques avec Israël et accroîtra la coopération dans le domaine de la défense.
Interviewé lors d’une de ses nombreuses visites en Israël par le journal Haaretz, il refusera de parler de son rôle dans l’établissement de ces relations diplomatiques, mais indiquera que la collaboration indo-israélienne est dans l’intérêt des deux pays dans leur guerre contre le terrorisme.
S’inquiétant en effet de la présence d’Al Qaida au Cachemire et au Pakistan, Jacob déclarera que seul le savoir-faire israélien et sa technologie militaire avancée peuvent aider l’Inde à se parer contre les missiles nucléaires du Pakistan ou de la Chine. Jacob signalera au passage que, contrairement aux Etats Unis et à l’Angleterre, Israël s’est toujours montrée généreuse en approvisionnant l’Inde en munitions et équipements militaires durant ses différentes guerres.
Jacob a été un ami proche du chef d’état major israélien Motta Gur. Lors d’une invitation du ministre Ytzhak Rabin à la célébration des 3000 ans de Jérusalem, Jacob fera don d’objets rituels de sa famille au musée du judaïsme babylonien de Or Yehouda.
Célibataire endurci de 89 ans, Jacob vit aujourd’hui à New Delhi où il fut aussi président de la synagogue. Resté très actif jusqu’à récemment, donnant des conférences politiques et militaires, il a aussi écrit une autobiographie à succès « An odyssey in war and peace ».
A la question d’une journaliste en août 2012 lui demandant pourquoi il ne s’était jamais installé en Israël pour y offrir son génie militaire, il répondra :
« Israël a des dirigeants militaires exceptionnels, Israël n a pas besoin de moi. De plus, l’Inde a toujours été bonne pour les Juifs, (il signalera par ailleurs, qu’il n’avait jamais su ce qu’était l’antisémitisme jusqu’à ce qu’il intègre les rangs de l’armée anglaise) je suis très fier d’être Juif, mais je suis né en Inde, c’est ici que j’ai servi toute ma vie, c’est ici que j’aimerais mourir. »
Perla Amiel – © Le Monde Juif .info | Photo : DR