Cambridge et Oxford, des rivaux historiques s’unissent pour sauver l’Histoire juive.
Par Muriel Bensimon – lemondejuif.info
Les prestigieuses Universités de Cambridge et Oxford ont annoncé leur première campagne conjointe de financement pour l’achat de la Collection Lewis-Gibson de la Genizah du Caire. Riche de plus de 1 700 fragments de manuscrits hébreux et arabes datant du IXe au XIXe siècle, d’une valeur estimative de 1,4 millions d’Euros, elle est actuellement détenue par l’Eglise Réformée Unie de la Westminster College. La campagne a été officiellement lancée récemment à la British Academy de Londres.
La collection comprend plus de 1 700 fragments de manuscrits hébreux et arabes, originaires de la Gueniza du Caire, datant du IXe au XIXe siècle. Ils représentent un témoignage inestimable de mille ans de la vie religieuse, sociale, économique et culturelle du monde méditerranéen.
Les fragments ont été ramenés du Caire par les sœurs Agnes Smith Lewis et Margaret Dunlop Gibson en 1896 et déposés au Westminster College. Les Trésors de la collection incluent le plus ancien exemple connu d’une Ketouba (acte manuscrit d’un mariage religieux juif), datant de 1119, un autre manuscrit, témoin oculaire inestimable des atrocités des Croisés sur les Juifs et des lettres d’importants commerçants juifs des XIe et XIIe siècles.
A la fin du XIXe siècle, les Universités d’Oxford et de Cambridge ont longtemps rivalisé, chacune essayant d’acquérir des manuscrits de la Gueniza du Caire. Aujourd’hui, elles unissent leurs efforts pour sauver la Collection Lewis-Gibson de la dispersion.
Les deux bibliothèques universitaires sont déjà propriétaires d’importantes collections de la Guenizah du Caire. Cambridge abrite la plus grande collection au monde avec quelques 200 000 fragments sur les 350 000 se trouvant dans les collections publiques du monde entier.
Une gueniza est un sanctuaire sous terrain, à l’intérieur d’une synagogue, réservé à l’inhumation des anciens écrits religieux, qui, parce qu’ils contiennent le nom de Dieu ou utilisent l’alphabet hébreu sacré, ne peuvent pas être simplement jetés. Pendant plus de 1 000 ans, la communauté juive d’Al Fustat (maintenant une banlieue du Caire) a déposé toutes sortes d’écrits ( pas uniquement religieux) dans ce cellier sacré de la synagogue Ben Ezra.
La Collection de Lewis-Gibson rassemble quelques-uns des premiers fragments à avoir été trouvés dans cette gueniza. Une Collection selon les experts de taille modeste mais à la valeur historique importante.
Parmi ces trésors, figure un précieux manuscrit écrit personnellement par Moïse Maimonide (mort en 1204), célèbre commentateur de la Mishna, mais aussi un poème écrit à l’époque médiévale par le rabbin Joseph ibn Abitur et un exemplaire de la traduction en arabe de la Bible par le grand sage et rabbin juif égyptien, Saadia ben Yosseph Gaon Soura.
La campagne de dons pour l’acquisition de cette collection a soulevé un grand enthousiasme, la Fondation Polonsky a accordé un don de 580 mille euros. Il ne reste plus qu’aux deux universités anglaises de récolter les 820 mille euros restants, nécessaires à l’acquisition de la collection.
M. Polonsky, responsable de la Fondation, a déclaré : « J’ai fortement appuyé la collaboration et suis très heureux de donner un élan à l’entreprise commune de ces deux grandes universités à acquérir une telle collection de manuscrits importants ».
Le Dr Sarah Thomas de la bibliothèque Bodléienne d’Oxford a dit « qu’il s’agit d’une occasion rare et spéciale d’acquérir conjointement la Collection Lewis-Gibson, pour Oxford et Cambridge, qui détiennent déjà à elles deux près de 70% des fragments de la Gueniza du Caire. Ensemble, nous allons partager le travail de conservation, de numérisation des manuscrits, et tirer le meilleur parti des atouts pour chaque institution ».
Lire la suite